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Conférence du 12 décembre 2019 sur « L’Union Européenne au lendemain des élections au Parlement Européen des 23 et 26 mai 2019. Quelles recompositions politiques ? »

Le 12 décembre 2019, Europe Val de Loire a organisé une conférence sur « L’Union Européenne au lendemain des élections au Parlement Européen des 23 et 26 mai 2019. Quelles recompositions politiques ? », prononcée par les étudiants du Master Droit Européen : Catherine AMBOA, Flavie CHALUMEAU, Aurélia ECHEVARRIA, Marine MONARD, Alice BOINOT, Justine CORBIN, Corentin LE NEZET et Simon PAILLARD en présence des Ambassadeurs des carrières européennes, Alexis CHABOT, Anais PINSON et Patricia VILELA MEIRA et des Professeurs Pierre-Yves MONJAL et Sébastien ROLAND.

Le sujet étant bien vaste, la conférence s’est divisée en deux parties.

Dans un premier temps, les étudiantes intervenantes ont dressé un bilan des élections au Parlement européen de 2019. Pour une bonne compréhension du propos, il était ainsi nécessaire de rappeler les modalités d’élections des députés européens. Depuis 1979, ils sont élus au suffrage universel direct par tous les citoyens européens. Bien que les pays établissent librement leur mode de scrutin – certains adoptent le modèle d’une circonscription électorale, d’autres le modèle de circonscriptions régionales – les élections des députés européens se sont déroulées sous l’influence du Brexit. En effet, la sortie future du Royaume-Uni (aujourd’hui effective) a demandé un remodelage de la composition du Parlement européen. Le nombre de députés européens sera non plus de 751 mais de 705 dont 27 sièges seront redistribués aux Etats membres sous-représentés tels que la France, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Irlande, la Roumanie, l’Autriche, le Danemark, la Croatie ou encore la Finlande… Cependant, la redistribution des sièges peut être perçue comme paradoxale dans la mesure où les pays sous-représentés ayant obtenu le plus de sièges sont des pays ayant de l’influence au sein de l’Union européenne.

Il est important de souligner que le taux d’abstention n’a cessé d’augmenter aux élections européennes, passant de 38 % en 1979, à environ 50% en 2019 renforçant le déficit démocratique dont est victime l’Union européenne. Ainsi, certains partis politiques européens ont vu leur popularité décroître notamment pour le PPE, d’autres croître et de nouveaux partis politiques ont vu le jour comme le parti Renew Europe. En effet, le PPE – parti majoritaire au Parlement européen – obtient 182 sièges tandis qu’en 2014 il avait obtenu près de 216 sièges et en 2009, 265 sièges. Par conséquent, on observe un recul du PPE sur la scène politique européenne  et une montée des partis eurosceptiques. Plusieurs nouveaux partis et alliances naissent, et d’anciens partis sont également dissouts pour cause du Brexit.

Enfin, ces élections des députés européens nous ont amené à retenir certains messages politiques importants. Ces élections européennes de 2019 ont soulevé deux thématiques importantes ; la montée du populisme en Europe et la question du climat de plus en plus prise en considération dans les programmes européens. Les résultats des élections européennes sont clairs ; les partis eurosceptiques ont eu une « ascension » de grande ampleur en raison des politiques nationales qui ne conviennent plus aux citoyens, transformant le vote européen en vote sanction d’une politique nationale. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois, qu’un parti d’extrême droite arrive en tête des élections européennes. En 2014, le Front National est arrivé en tête en France.

Cette montée du populisme doit être relativisée cependant en ce que le Parlement européen a une configuration plus européaniste qu’eurosceptique. Quant à la question du climat, le Green Deal est le programme prouvant l’intérêt de l’UE pour la protection de l’environnement et des changements de consommation quotidienne etc. Les résultats des élections européennes sont certes mitigés mais restent positifs dans la mesure où l’esprit européen est toujours présent.

La seconde partie de la conférence, elle, a été consacrée à l’analyse de l’évolution de l’influence de la France au sein de l’UE depuis les élections de 2019.

En préambule, il s’est agi de constater que notre pays a joué un rôle central dans la construction européenne dès ses débuts, puisqu’il en est l’un des membres fondateurs. En outre, les présidents de la République français ont souvent donné des impulsions de développement au projet européen (Georges Pompidou et l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, Valéry Giscard d’Estaing et la création du Conseil européen …). Aujourd’hui encore, la France possède une place à part parmi les États membres de l’UE, notamment du fait de la présence du Parlement européen et de plusieurs agences européennes sur son territoire, de sa forte contribution au budget de l’Union et du statut privilégié de la langue française au sein de la Cour de Justice de l’UE.

Toutefois, la suite de l’intervention des étudiants a apporté de nombreuses nuances à cette apparente puissance de la France dans l’Union. Les élections européennes de 2019 ont en effet participé à un remodelage des niveaux d’influence des États membres, qui s’est souvent fait au détriment de la France.

  • De manière directe, les élections européennes ont eu pour conséquence une restructuration des forces en présence parmi les députés européens français (arrivée de députés issus de La République en Marche et poussée des candidats verts et de ceux issus du Rassemblement national). Surtout, le nouveau Parlement se distingue par la quasi-absence de Français aux postes stratégiques, qu’il s’agisse de la présidence du Parlement, des présidences des groupes politiques et des commissions ou des membres du Bureau du Président.
  • De manière indirecte, les élections européennes influencent aussi la composition de la Commission européenne, puisque les parlementaires ont un droit de regard sur le choix des personnalités amenées à exercer la fonction de commissaire : les candidats sont auditionnés par les députés, qui peuvent par la suite accepter ou refuser leur nomination définitive. Or, et il s’agit d’une première historique, la candidature de Sylvie Goulard proposée par la France a été rejetée. De plus, le candidat finalement retenu, Thierry Breton, s’est trouvé doté d’un portefeuille réduit par rapport à ce qui avait initialement été prévu, et relégué au rang de base dans la hiérarchie des commissaires.

Au Conseil européen, le président français peut toutefois s’appuyer sur un soutien de choix : le nouveau président du Conseil Européen, Charles Michel, a des positions politiques communes et des affinités avec Emmanuel Macron.

Cela ne signifie pas que le statut de la France ne souffre d’aucune contestation au sein de cette institution : le poste de directeur de son service juridique, traditionnellement occupé par un Français, a récemment failli être confié à un Allemand. En outre, même si Emmanuel Macron a toujours affiché ses grandes ambitions pour l’Europe, son influence dans la diplomatie européenne reste limitée : ses positions sont souvent critiquées par certains de ses homologues européens et l’absence actuelle d’une réelle politique étrangère commune aux États membres diminue la portée de son action.

En conséquence de tous les développements précédents, la conférence s’est conclue sur un constat de relatif déclin de l’influence de la France dans l’UE. Même si les prémices de l’affaiblissement de notre pays se retrouvent dès son rejet du traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005, les dernières élections européennes l’ont globalement accentué.